Grégory Piet
Politologue à l'Université de Liège
@grgpiet
Près de deux mois après le triple scrutin du 25 mai, le
gouvernement wallon PS-CDH a trouvé un accord pour la prochaine législature
2014-2019. L’occasion nous est donc donnée de revenir sur les enjeux et attentions
politiques de ce nouveau gouvernement et de les comparer avec le précédent
accord porté par les partis PS-ECOLO-CDH.
Notre méthodologie reste la même que celle utilisée dans le
cadre de l’analyse des enjeux politiques des partis dans leur programme
électoraux (voire Note méthodologique). Il s’agit de relever les
enjeux politiques se retrouvant au sein des accords de
gouvernement, et ce, grâce à une grille d’analyse informatisée des problèmes publics et appuyé d'un programme informatique (Prospéro).
Le présent accord PS-CDH compte 115 pages, contre 263 pages
pour le précédent PS-ECOLO-CDH. La longueur des textes mis en
comparaison peut donc avoir une influence sur les enjeux proposés dans ces accords. 3648 occurrences ont ainsi été relevées dans l’accord PS-CDH
contre 6742 dans l’accord PS-ECOLO-CDH.
Nous présenterons, dans un premier temps, le nouvel accord
2014-2019, ses enjeux, ses attentions. Nous le comparerons, dans un second
temps, avec l’accord 2009-2014. L’absence d’un partenaire (Ecolo), la situation
économique actuelle ont certainement eu une influence dans la définition des
enjeux politiques actuels. Il conviendra donc de relever les différences et
particularités entre ces deux accords.
Accord de
gouvernement PS-CDH (2014-2019)
35% de l’accord PS-CDH se concentre sur le socio-économique
qui se décompose comme suit : (1) 10,55% pour l’enjeu économique et la
politique fiscale, (2) 10,09% pour l’enjeu entrepreneuriale, le commerce
intérieur, etc., (3) 6,66% pour les affaires sociales et la famille, (4) 6,09% pour l’enjeu
de l’emploi et (5) 1,48% pour le commerce extérieur de la Wallonie (voir
Graphe 1).
Les questions administratives et institutionnelles
représentent 27,30% de l’accord (voir Graphe 1). Il convient, dans un premier temps,
de nuancer ces enjeux car il s’agit essentiellement d’une catégorie généraliste
mettant en avant le « gouvernement », les « services
publics », l’« administration », etc. Toutefois, nous pouvons,
dans un second temps, mettre en exergue des sous-enjeux particuliers comme les
questions liées à la réforme de l’Etat et des transferts de compétences qui
comptent 0,52% des enjeux de l’accord PS-CDH, les questions relatives aux
fonctionnaires et à la simplification administrative (1,40%), les relations
intergouvernementales (8,20%) ou encore les services publics (3,59%).
On note également que l’enjeu lié au développement local et
à la politique du logement est clairement mis en avant dans ce nouvel accord
(6,94%) et est présenté comme prioritaire pour les deux partenaires (voir Graphe 1).
Il s’agit en effet du quatrième enjeu en termes d’importance après les
questions administratives, l’économie et les entreprises.
Enfin, les politiques « écologiques » représentent
9,35% (voir Graphe 1) des enjeux du présent accord et se décomposent en :
- enjeux environnementaux (3,59%) ;
- enjeux énergétiques (2,96%) ;
- enjeux liés à l’agriculture, la pêche et
l’alimentation (2,80%).
Graphe 1. Enjeux de l’accord de gouvernement PS-CDH
2014-2019
PS-CDH
|
|
Economie et politique fiscale
|
10,55%
|
Droits et libertés
|
3,10%
|
Santé
|
1,73%
|
Agriculture, pêche, alimentation
|
2,80%
|
Emploi
|
6,09%
|
Enseignement
|
2,60%
|
Environnement
|
3,59%
|
Energie
|
2,96%
|
Immigration
|
0,36%
|
Mobilité
|
4,28%
|
Justice, sécurité intérieur
|
1,01%
|
Affaires sociales
|
6,66%
|
Développement local et logement
|
6,94%
|
Commerce intérieur, entreprises, secteur bancaire
|
10,09%
|
Politique scientifique et nouvelles technologies
|
1,64%
|
Commerce extérieur
|
1,48%
|
Affaires européennes, étrangères et coopération au développement
|
5,02%
|
Questions administratives et institutionnelles
|
27,30%
|
Aménagement du territoire
|
0,66%
|
Culture et sports
|
1,15%
|
Comparaison des accords de
gouvernement PS-ECOLO-CDH (2009-2014) et PS-CDH (2014-2019)
L’accord
PS-CDH est davantage axé sur les enjeux socio-économiques que ne l’était
l’accord PS-ECOLO-CDH avec +6% d’attention politique sur ces enjeux (voir
Graphe 2). Les nouveaux partenaires PS-CDH mettent, en effet, beaucoup plus
l'accent sur la politique fiscale que précédemment (+3%) ainsi que sur le soutien aux
entreprises et au commerce intérieur (+2%).
Plusieurs
changements et pertes d'attentions politiques sont également identifiés.
De
manière générale, les politiques écologiques (ENV., ENERG., AGRI.) perdent
ainsi 3,3% d'attention. Seul l’enjeu politique lié à l'agriculture et
à l’alimentation voit son attention augmenter très légèrement (+0,3%) (voir
Graphe 2).
L'enjeu
environnemental perd, quant à lui, 3% d'attention politique dans le nouvel
accord de gouvernement, passant de 6,7% à 3,6% (voir Graphe 2) et passant du 5e
rang au 9e rang des priorités politiques.
L'enjeu
lié à la mobilité perd également de l'attention politique (-2,6%) (voir Graphe
2), passant du 4e rang au 8e rang dans la hiérarchie des enjeux
politiques des accords de gouvernement. Il s'agissait, par ailleurs, d'un enjeu moins important durant la campagne électoral du PS (3,49%), cela peut expliquer cette perte d'attention (voir billet sur le programme électoral du PS).
Enfin,
la hiérarchie de plusieurs priorités politiques change dans le nouvel accord de
gouvernement PS-CDH par rapport au précédent PS-ECOLO-CDH. Nous relevons ici
les plus importantes (outre les questions environnementales déjà traitées).
Au
niveau de la politique locale et du logement, l’attention politique passe du 6e
rang au 4e rang. Il s’agissait d’enjeux de la campagne électorale clairement défendus au CDH (6,29%, voir programme électoral 2014) - un peu moins au PS (4,57%, voir programme électoral 2014) -, il est donc logique que ces derniers se
retrouvent mis en évidence dans cet accord.
Au
niveau des affaires sociales et de la famille, l’attention politique passe du
7e rang au 5e rang. Ces enjeux étaient clairement identifiés comme prioritaires tant au PS (8,45%) qu'au CDH (10,48%) durant la campagne électorale; cela se confirme également dans le présent accord.
Au
niveau de l'emploi, l’attention politique passe du 8e rang dans l’accord
PS-ECOLO-CDH au 6e rang dans l’accord PS-CDH.
Enfin,
au niveau des questions européennes, étrangères et relatives à la coopération
au développement, l’attention passe du 9e rang au 7e, avec un accent plus
important sur l’interdépendance des enjeux européens et régionaux (2,14% pour
les questions européennes dans l’accord PS-ECOLO-CDH contre 3,04% dans l’accord
PS-CDH).
Graphe 2. Comparaison des accords de gouvernement 2009-2014
(PS-ECOLO-CDH) et 2014-2019 (PS-CDH)
PS-ECOLO-CDH
|
PS-CDH
|
|
Economie et politique fiscale
|
7,41%
|
10,55%
|
Droits et libertés
|
3,63%
|
3,10%
|
Santé
|
1,84%
|
1,73%
|
Agriculture, pêche, alimentation
|
2,52%
|
2,80%
|
Emploi
|
5,74%
|
6,09%
|
Enseignement
|
3,59%
|
2,60%
|
Environnement
|
6,73%
|
3,59%
|
Energie
|
3,51%
|
2,96%
|
Immigration
|
0,46%
|
0,36%
|
Mobilité
|
6,87%
|
4,28%
|
Justice, sécurité intérieur
|
0,77%
|
1,01%
|
Affaires sociales
|
6,20%
|
6,66%
|
Développement local et logement
|
6,70%
|
6,94%
|
Commerce intérieur, entreprises, secteur bancaire
|
8,20%
|
10,09%
|
Politique scientifique et nouvelles technologies
|
1,91%
|
1,64%
|
Commerce extérieur
|
1,08%
|
1,48%
|
Affaires européennes, étrangères et coopération au développement
|
4,76%
|
5,02%
|
Questions administratives et institutionnelles
|
26,54%
|
27,30%
|
Aménagement du territoire
|
0,55%
|
0,66%
|
Culture et sports
|
0,95%
|
1,15%
|
Conclusion
De manière générale, le nouvel accord de gouvernement est
donc plus axé sur les questions socio-économiques que ne l’était l’accord de gouvernement de
2009. Le contexte socio-économique, le chômage des jeunes, la réforme de l’Etat
et la politique budgétaire ont eu une influence sur ce changement d’orientation
politique.
De même, l’absence du partenaire écologiste a réduit les
enjeux environnementaux et énergétiques de cet accord. Il s’agira pour les nouveaux partenaires de
défendre cette orientation moins verte face à une opposition qui y sera
certainement très attentive. De plus, les enjeux environnementaux seront au rendez-vous ces prochaines années au niveau européen (les
objectifs européens 3 fois 20 d’ici 2020) et international (conférence de Paris
sur le réchauffement climatique en 2015). Le gouvernement aura donc fort à faire
sur ces enjeux, et ce, même s’ils paraissent moins prioritaires que précédemment.