Grégory Piet
Politologue, doctorant ULg
@grgpiet
Hier, nous vous parlions du programme électoral des Jeunes
MR, aujourd’hui nous passons en revue le programme électoral des Jeunes cdH,
co-signé avec les JONGCD&V.
Passé relativement sous silence, je reviens sur un programme
qui était pourtant disponible avant celui des Jeunes MR. Il faut reconnaître
que tous les jeunes – après les Jeunes Ecolo et MR – ne peuvent mettre à
l’agenda politique la légalisation des drogues douces. Cela manquerait
cruellement de diversités et d’alternatives pour les citoyens.
N’est-ce pas pour autant un certain renouveau – pour ne pas
dire un « retour » – après les périodes de crises communautaires que
nous avons connues dernièrement de voir ce rapprochement entre Jeunes de partis
communautaires différents, même si, historiquement, ils appartiennent encore à la même
famille politique ? Il s’agit certainement d’un « message
politique » intéressant – et une fois n’est pas coutume, pour un
francophone habitant en Flandre, je salue l’initiative.
Mais revenons-en à l’analyse politique dudit
programme !
Préférences politiques
principales
La première préférence politique du programme des Jeunes
cdH/CD&V – je me permets le raccourci au vu de la co-signature de ce
dernier – est surprenante (15,79%; voir tableau 1). En effet, de mémoire de jeune analyste
politique, je n’ai relevé qu’à une seule reprise un tel pourcentage et un tel
intérêt politique accordé à la politique culturelle. Il s’agissait du programme présenté par le MR lors des élections régionales bruxelloises de 2004
(15,7%). Et ce n’était, dans ce cas précis, que la 3e préférence
politique, après les questions administratives régionales (20%) et la politique
de l’enseignement (17%).
La politique culturelle, parent pauvre, s’il en est, de la
politique régionale suite à la crise économique de ces dernières années, est
donc remise au premier plan par les Jeunes cdH/CD&V. Cela se justifie
notamment par la complexité de co-rédiger un programme politique entre
jeunes politiques de deux communautés différentes mais cela traduit aussi cette volonté de
co-écriture. Ce faisant, les questions linguistiques et culturelles sont une
bonne manière, selon les auteurs du programme, de construire des ponts entre
les communautés de notre pays.
Les questions européennes intéressent également les jeunes
cdH/CD&V tandis que les questions de politiques étrangères (hors-EU) sont
absentes du programme (tableau 1).
En 3e lieu, nous retrouvons les politiques
fiscalités et le plaidoyer des jeunes pour une évolution de la fiscalité tant
vers une diminution des charges pour les entreprises que vers une réorientation
des charges au profit de taxes environnementales (tableau 1).
Les 4e, 5e et 6e priorités
politiques des Jeunes cdH/CD&V se tournent vers (1) les relations
communautaires et régionales, principalement entre flamands et francophones,
(2) l’enseignement et (3) la mobilité (tableau 1). Cette priorité communautaire
se justifie par la rédaction à quatre mains (deux flamandes et des
francophones) de ce programme politique. La volonté d’une circonscription
électorale fédérale est à ce titre relancée. L’enseignement, nous en parlions déjà
hier, était également un thème de campagne prévisible, et ce, pour l’ensemble
des partis politiques traditionnels au vu des discours, meetings
et mobilisations politiques depuis avril 2013.
Des problèmes publics
également laissés de côté : comparaison entre le programme des Jeunes cdH/CD&V
et MR
Comme nous le soulignions également hier, dans notre billet
sur le programme des Jeunes MR, toutes les questions publiques ne sont pas
abordées dans le programme électoral des Jeunes cdH/CD&V. Huit
problématiques sur 21 sont d’ailleurs absentes de leur programme telles que la
politique énergétique, l’immigration, la recherche scientifique ou encore
l’aménagement du territoire (tableau 1).
D’ailleurs, les cinq premières priorités de ce programme
comptabilisent, à elles seules, près de 65% de l’ensemble de l’attention
politique et des préférences contre 6 priorités sur 21 en ce qui concerne le
programme de JMR avec 64%.
Plusieurs différences peuvent ainsi être mises en exergue
entre les deux programmes. Premièrement, ces derniers ont un coefficient de
corrélation de 0.51685 – un coefficient de corrélation de 1 signifiant, pour
faire simple, que nous sommes en présence d’un même programme. Cela signifie donc
qu’ils sont, certes, relativement proches, mais que bon nombre de priorités
sont très différentes. Pour prendre un ordre de comparaison entre le MR et le
PSC/cdH, la moyenne du coefficient de corrélation entre ces deux partis depuis
les élections de 1987 avoisine 0.77. Il avait atteint son niveau le plus bas en
2003 (avec un coefficient de 0.582554) et son niveau le plus haut lors des dernières
élections de 2010 (avec un coefficient de 0.892655).
Nous relevons donc que les programmes des jeunes formations
politiques du MR et du cdH/CD&V sont, de manière générale, beaucoup moins
proches que les programmes de leurs ainés. Cela s’explique essentiellement par
les nombreuses politiques publiques laissées sans positionnement de part et d’autre
(voir tableau 1 & 2 : 0% de préférence politique) tandis que le MR et
le cdH tendent généralement – même si les points de vue divergent – à prendre
position sur tous les enjeux de société en période électorale.
Deuxièmement, l’attention politique portée à la politique
culturelle est certainement la différence la plus remarquable entre les deux
programmes avec près de 16% au sein du programme des JcdH/CD&V contre, à
peine, 1% pour les JMR.
De même, les politiques de santé, alors qu'historiquement davantage défendues par les familles socio-chrétienne et socialiste, sont davantage priorisées au sein du programme des Jeunes MR: 7e
priorité politique chez les JMR contre 11e priorité chez
les JcdH/CD&V. Quant au défi climatique, les Jeunes cdH/CD&V l'identifie comme un enjeu (lutte) pour notre pays. Un positionnement qui est absent dans le programme des Jeunes MR.
Il y a toutefois des similitudes entre les deux
programmes : un intérêt quasi identique sur les questions européennes – et
ce, même si nous relevons une plus forte attention politique chez les Jeunes MR
pour la politique extérieure (hors-UE). Les questions économiques, fiscales et
d’enseignement sont également très proches en termes de préférences et
attentions politiques de part et d’autre et, qui plus est, la formulation des
solutions est également assez proche, notamment, en matière de fiscalité et la
volonté d’une réforme à l’issue des prochaines élections.
Enfin, les politiques énergétiques, par exemple, sont
absentes dans les deux programmes, laissant le champ libre à d’autres jeunes de
formation politique différentes de s’y positionner – notamment, les Jeunes
Ecolo, en toute hypothèse – et, au même titre, les affaires sociales sont
relativement peu priorisées par ces deux programmes, laissant certainement une
opportunité de positionnement fort de la part des Jeunes PS.
Tableau 1
Préférences politiques
au sein du programme électoral 2014 des Jeunes cdH
|
|
ARTS, CULTURE ET
LOISIRS
|
15,79%
|
AFFAIRES ETRANGERES, AFFAIRES
EUROPEENNES, AIDE AU DEVELOPPEMENT
|
13,68%
|
MACROECONOMIE, IMPOTS
ET TAXES
|
12,63%
|
FONCTIONNEMENTS DE LA
DEMOCRATIE ET L'ADMINISTRATION PUBLIQUE
|
11,58%
|
ENSEIGNEMENT
|
10,53%
|
CIRCULATION ET
TRANSPORTS
|
9,47%
|
TRAVAIL
|
7,37%
|
ENTREPRISES, SECTEUR
BANCAIRE, COMMERCE INTERIEUR
|
6,32%
|
ENVIRONNEMENT
|
4,21%
|
AFFAIRES SOCIALES
|
3,16%
|
SANTE
|
2,11%
|
AGRICULTURE ET PECHE
|
2,11%
|
DEVELOPPEMENT LOCAL,
POLITIQUE DU LOGEMENT, ORGANISATION URBAINE
|
1,05%
|
DROITS CIVILS ET
LIBERTES
|
0,00%
|
POLITIQUE ENERGETIQUE
|
0,00%
|
IMMIGRATION ET
INTEGRATION
|
0,00%
|
JUSTICE,
JURISPRUDENCE, CRIMINALITE
|
0,00%
|
DEFENSE
|
0,00%
|
RECHERCHE
SCIENTIFIQUE, TECHONOLOGIE, COMMUNICATION
|
0,00%
|
COMMERCE EXTERIEUR
|
0,00%
|
AMENAGEMENT DU
TERRITOIRE, GESTION PUBLIQUE DE LA NATURE ET DE L'EAU
|
0,00%
|
Tableau 2
Préférences
politiques au sein du programme électoral 2014 des Jeunes MR
|
|
ENTREPRISES, SECTEUR
BANCAIRE, COMMERCE INTERIEUR
|
14,75%
|
AFFAIRES ETRANGERES, AFFAIRES
EUROPENNES, AIDE AU DEVELOPPEMENT
|
14,75%
|
ENSEIGNEMENT
|
12,39%
|
MACROECONOMIE, IMPOTS
ET TAXES
|
11,21%
|
TRAVAIL
|
11,21%
|
JUSTICE,
JURISPRUDENCE, CRIMINALITE
|
10,91%
|
SANTE
|
7,37%
|
FONCTIONNEMENTS DE LA
DEMOCRATIE ET L'ADMINISTRATION PUBLIQUE
|
7,37%
|
IMMIGRATION ET
INTEGRATION
|
2,95%
|
AFFAIRES SOCIALES
|
2,06%
|
DEVELOPPEMENT LOCAL,
POLITIQUE DU LOGEMENT, ORGANISATION URBAINE
|
1,18%
|
ARTS, CULTURE ET
LOISIRS
|
1,18%
|
DROITS CIVILS ET
LIBERTES
|
0,59%
|
AGRICULTURE ET PECHE
|
0,59%
|
CIRCULATION ET
TRANSPORTS
|
0,59%
|
ENVIRONNEMENT
|
0,29%
|
RECHERCHE
SCIENTIFIQUE, TECHONOLOGIE, COMMUNICATION
|
0,29%
|
COMMERCE EXTERIEUR
|
0,29%
|
POLITIQUE ENERGETIQUE
|
0,00%
|
DEFENSE
|
0,00%
|
AMENAGEMENT DU
TERRITOIRE, GESTION PUBLIQUE DE LA NATURE ET DE L'EAU
|
0,00%
|
Note méthodologique
Cette analyse des programmes électoraux repose sur un logiciel d’analyse de textes, de discours et d’arguments, nommé Prospéro (Chateauraynaud, 2003 ; voir, par exemple, le carnet de recherche du GSPR, développeur de Prospéro,http://socioargu.hypotheses.org/ ainsi que le site dédié au logiciel Prospéro pour une plus longue présentation,http://prosperologie.org/). Pour faire simple, la méthode consiste en la création de 21 répertoires thématiques reprenant l’ensemble des enjeux et politiques publiques identifiables au sein des programmes, sur base du travail préalablement effectué par Baumgartner et Jones (http://www.policyagendas.org/page/topic-codebook) et adapté au cas belge par Stefaan Walgrave et son centre de recherches (M2P, Universiteit Antwerpen). Ces 21 répertoires sont constitués de quelques 10.000 mots et expressions permettant d’identifier et de coder automatiquement les parties d’un texte liées à l’emploi, au logement, à la mobilité, à l’économie, à la politique étrangère, etc. Cet encodage automatique permet ainsi de mesurer les préférences et les priorités des partis politiques au sein de leur programme électoral. Pour une analyse en profondeur d’un enjeu politique et une explication détaillée de la manière de constituer les répertoires de mots et d’expression, voir Piet (2013).