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mardi 14 janvier 2014

Les jeunes cdH donnent le ton en co-signant leur programme électoral 2014 avec les JONGCD&V. Des enseignements par rapport au programme électoral 2014 des Jeunes MR?


Grégory Piet
Politologue, doctorant ULg
@grgpiet


Hier, nous vous parlions du programme électoral des Jeunes MR, aujourd’hui nous passons en revue le programme électoral des Jeunes cdH, co-signé avec les JONGCD&V.

Passé relativement sous silence, je reviens sur un programme qui était pourtant disponible avant celui des Jeunes MR. Il faut reconnaître que tous les jeunes – après les Jeunes Ecolo et MR – ne peuvent mettre à l’agenda politique la légalisation des drogues douces. Cela manquerait cruellement de diversités et d’alternatives pour les citoyens. 

N’est-ce pas pour autant un certain renouveau – pour ne pas dire un « retour » – après les périodes de crises communautaires que nous avons connues dernièrement de voir ce rapprochement entre Jeunes de partis communautaires différents, même si, historiquement, ils appartiennent encore à la même famille politique ? Il s’agit certainement d’un « message politique » intéressant – et une fois n’est pas coutume, pour un francophone habitant en Flandre, je salue l’initiative.

Mais revenons-en à l’analyse politique dudit programme !

Préférences politiques principales

La première préférence politique du programme des Jeunes cdH/CD&V – je me permets le raccourci au vu de la co-signature de ce dernier – est surprenante (15,79%; voir tableau 1). En effet, de mémoire de jeune analyste politique, je n’ai relevé qu’à une seule reprise un tel pourcentage et un tel intérêt politique accordé à la politique culturelle. Il s’agissait du programme présenté par le MR lors des élections régionales bruxelloises de 2004 (15,7%). Et ce n’était, dans ce cas précis, que la 3e préférence politique, après les questions administratives régionales (20%) et la politique de l’enseignement (17%).

La politique culturelle, parent pauvre, s’il en est, de la politique régionale suite à la crise économique de ces dernières années, est donc remise au premier plan par les Jeunes cdH/CD&V. Cela se justifie notamment par la complexité de co-rédiger un programme politique entre jeunes politiques de deux communautés différentes mais cela traduit aussi cette volonté de co-écriture. Ce faisant, les questions linguistiques et culturelles sont une bonne manière, selon les auteurs du programme, de construire des ponts entre les communautés de notre pays.

Les questions européennes intéressent également les jeunes cdH/CD&V tandis que les questions de politiques étrangères (hors-EU) sont absentes du programme (tableau 1).

En 3e lieu, nous retrouvons les politiques fiscalités et le plaidoyer des jeunes pour une évolution de la fiscalité tant vers une diminution des charges pour les entreprises que vers une réorientation des charges au profit de taxes environnementales (tableau 1).

Les 4e, 5e et 6e priorités politiques des Jeunes cdH/CD&V se tournent vers (1) les relations communautaires et régionales, principalement entre flamands et francophones, (2) l’enseignement et (3) la mobilité (tableau 1). Cette priorité communautaire se justifie par la rédaction à quatre mains (deux flamandes et des francophones) de ce programme politique. La volonté d’une circonscription électorale fédérale est à ce titre relancée. L’enseignement, nous en parlions déjà hier, était également un thème de campagne prévisible, et ce, pour l’ensemble des partis politiques traditionnels au vu des discours, meetings et mobilisations politiques depuis avril 2013.

Des problèmes publics également laissés de côté : comparaison entre le programme des Jeunes cdH/CD&V et MR

Comme nous le soulignions également hier, dans notre billet sur le programme des Jeunes MR, toutes les questions publiques ne sont pas abordées dans le programme électoral des Jeunes cdH/CD&V. Huit problématiques sur 21 sont d’ailleurs absentes de leur programme telles que la politique énergétique, l’immigration, la recherche scientifique ou encore l’aménagement du territoire (tableau 1).

D’ailleurs, les cinq premières priorités de ce programme comptabilisent, à elles seules, près de 65% de l’ensemble de l’attention politique et des préférences contre 6 priorités sur 21 en ce qui concerne le programme de JMR avec 64%.

Plusieurs différences peuvent ainsi être mises en exergue entre les deux programmes. Premièrement, ces derniers ont un coefficient de corrélation de 0.51685 – un coefficient de corrélation de 1 signifiant, pour faire simple, que nous sommes en présence d’un même programme. Cela signifie donc qu’ils sont, certes, relativement proches, mais que bon nombre de priorités sont très différentes. Pour prendre un ordre de comparaison entre le MR et le PSC/cdH, la moyenne du coefficient de corrélation entre ces deux partis depuis les élections de 1987 avoisine 0.77. Il avait atteint son niveau le plus bas en 2003 (avec un coefficient de 0.582554) et son niveau le plus haut lors des dernières élections de 2010 (avec un coefficient de 0.892655).

Nous relevons donc que les programmes des jeunes formations politiques du MR et du cdH/CD&V sont, de manière générale, beaucoup moins proches que les programmes de leurs ainés. Cela s’explique essentiellement par les nombreuses politiques publiques laissées sans positionnement de part et d’autre (voir tableau 1 & 2 : 0% de préférence politique) tandis que le MR et le cdH tendent généralement – même si les points de vue divergent – à prendre position sur tous les enjeux de société en période électorale.

Deuxièmement, l’attention politique portée à la politique culturelle est certainement la différence la plus remarquable entre les deux programmes avec près de 16% au sein du programme des JcdH/CD&V contre, à peine, 1% pour les JMR.

De même, les politiques de santé, alors qu'historiquement davantage défendues par les familles socio-chrétienne et socialiste, sont davantage priorisées au sein du programme des Jeunes MR: 7e priorité politique chez les JMR contre 11e priorité chez les JcdH/CD&V. Quant au défi climatique, les Jeunes cdH/CD&V l'identifie comme un enjeu (lutte) pour notre pays. Un positionnement qui est absent dans le programme des Jeunes MR.

Il y a toutefois des similitudes entre les deux programmes : un intérêt quasi identique sur les questions européennes – et ce, même si nous relevons une plus forte attention politique chez les Jeunes MR pour la politique extérieure (hors-UE). Les questions économiques, fiscales et d’enseignement sont également très proches en termes de préférences et attentions politiques de part et d’autre et, qui plus est, la formulation des solutions est également assez proche, notamment, en matière de fiscalité et la volonté d’une réforme à l’issue des prochaines élections.

Enfin, les politiques énergétiques, par exemple, sont absentes dans les deux programmes, laissant le champ libre à d’autres jeunes de formation politique différentes de s’y positionner – notamment, les Jeunes Ecolo, en toute hypothèse – et, au même titre, les affaires sociales sont relativement peu priorisées par ces deux programmes, laissant certainement une opportunité de positionnement fort de la part des Jeunes PS. 



Tableau 1


Préférences politiques au sein du programme électoral 2014 des Jeunes cdH

ARTS, CULTURE ET LOISIRS
15,79%
AFFAIRES ETRANGERES, AFFAIRES EUROPEENNES, AIDE AU DEVELOPPEMENT
13,68%
MACROECONOMIE, IMPOTS ET TAXES
12,63%
FONCTIONNEMENTS DE LA DEMOCRATIE ET L'ADMINISTRATION PUBLIQUE
11,58%
ENSEIGNEMENT
10,53%
CIRCULATION ET TRANSPORTS
9,47%
TRAVAIL
7,37%
ENTREPRISES, SECTEUR BANCAIRE, COMMERCE INTERIEUR
6,32%
ENVIRONNEMENT
4,21%
AFFAIRES SOCIALES
3,16%
SANTE
2,11%
AGRICULTURE ET PECHE
2,11%
DEVELOPPEMENT LOCAL, POLITIQUE DU LOGEMENT, ORGANISATION URBAINE
1,05%
DROITS CIVILS ET LIBERTES
0,00%
POLITIQUE ENERGETIQUE
0,00%
IMMIGRATION ET INTEGRATION
0,00%
JUSTICE, JURISPRUDENCE, CRIMINALITE
0,00%
DEFENSE
0,00%
RECHERCHE SCIENTIFIQUE, TECHONOLOGIE, COMMUNICATION
0,00%
COMMERCE EXTERIEUR
0,00%
AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, GESTION PUBLIQUE DE LA NATURE ET DE L'EAU
0,00%



Tableau 2



Préférences politiques au sein du programme électoral 2014 des Jeunes MR
ENTREPRISES, SECTEUR BANCAIRE, COMMERCE INTERIEUR
14,75%
AFFAIRES ETRANGERES, AFFAIRES EUROPENNES, AIDE AU DEVELOPPEMENT
14,75%
ENSEIGNEMENT
12,39%
MACROECONOMIE, IMPOTS ET TAXES
11,21%
TRAVAIL
11,21%
JUSTICE, JURISPRUDENCE, CRIMINALITE
10,91%
SANTE
7,37%
FONCTIONNEMENTS DE LA DEMOCRATIE ET L'ADMINISTRATION PUBLIQUE
7,37%
IMMIGRATION ET INTEGRATION
2,95%
AFFAIRES SOCIALES
2,06%
DEVELOPPEMENT LOCAL, POLITIQUE DU LOGEMENT, ORGANISATION URBAINE
1,18%
ARTS, CULTURE ET LOISIRS
1,18%
DROITS CIVILS ET LIBERTES
0,59%
AGRICULTURE ET PECHE
0,59%
CIRCULATION ET TRANSPORTS
0,59%
ENVIRONNEMENT
0,29%
RECHERCHE SCIENTIFIQUE, TECHONOLOGIE, COMMUNICATION
0,29%
COMMERCE EXTERIEUR
0,29%
POLITIQUE ENERGETIQUE
0,00%
DEFENSE
0,00%
AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, GESTION PUBLIQUE DE LA NATURE ET DE L'EAU
0,00%



Note méthodologique
Cette analyse des programmes électoraux repose sur un logiciel d’analyse de textes, de discours et d’arguments, nommé Prospéro (Chateauraynaud, 2003 ; voir, par exemple, le carnet de recherche du GSPR, développeur de Prospéro,http://socioargu.hypotheses.org/ ainsi que le site dédié au logiciel Prospéro pour une plus longue présentation,http://prosperologie.org/). Pour faire simple, la méthode consiste en la création de 21 répertoires thématiques reprenant l’ensemble des enjeux et politiques publiques identifiables au sein des programmes, sur base du travail préalablement effectué par Baumgartner et Jones (http://www.policyagendas.org/page/topic-codebook) et adapté au cas belge par Stefaan Walgrave et son centre de recherches (M2P, Universiteit Antwerpen). Ces 21 répertoires sont constitués de quelques 10.000 mots et expressions permettant d’identifier et de coder automatiquement les parties d’un texte liées à l’emploi, au logement, à la mobilité, à l’économie, à la politique étrangère, etc. Cet encodage automatique permet ainsi de mesurer les préférences et les priorités des partis politiques au sein de leur programme électoral. Pour une analyse en profondeur d’un enjeu politique et une explication détaillée de la manière de constituer les répertoires de mots et d’expression, voir Piet (2013).