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mardi 14 octobre 2014

La déclaration gouvernementale de Michel Ier et ses attentions politiques. Plus de sécurité, plus de justice et plus d’immigration


Grégory Piet
Politologue, ULg
@grgpiet

Régis Dandoy
Politologue, UCL
@rdandoy


Ce mardi 14 octobre 2014, le Premier Ministre, Charles Michel, présentait sa déclaration gouvernementale devant la Chambre des représentants. En nous appuyant sur l’analyse des attentions politiques (voir Note méthodologique), nous pouvons, d’une part, mettre en évidence des enjeux de politique publique qui ressortent clairement de la présente déclaration et, d’autre part, la comparer succinctement avec la déclaration gouvernementale de Di Rupo Ier de décembre 2011.

La déclaration du gouvernement Michel Ier est, tout d’abord, l’une des plus longue déclaration de ces derniers gouvernements avec quelques 23.334 signes (espaces compris), contre 12.444 pour la déclaration du gouvernement Di Rupo Ier. La longueur de la déclaration influence donc, en partie, sur le nombre d’enjeux qui peut y être développé par le Premier Ministre.

Parmi les enjeux les plus importants, nous retrouvons sans surprise (voir le tableau ci-dessous) les questions générales liées à l’administration publique et aux questions communautaires (17,14%), l’économie et la fiscalité (16,19%) et l’emploi (15,24%). Ces thématiques ont été souvent mises en avant par les négociateurs des quatre partis au gouvernement lors de leurs interventions publiques.

Mais il est encore plus intéressant de comparer ses chiffres avec ceux de la précédente déclaration gouvernementale. Ainsi, nous observons une augmentation de l’attention aux enjeux relatifs aux affaires intérieures, à la justice et à la sécurité (+6,76%). Il en va de même pour la santé (+3,81%), la mobilité (+3,81% et absente de la déclaration Di Ripo Ier), l’emploi (+3,24%) et la politique d’intégration et d’immigration (+1,53%).

A contrario, l’attention politique est plus faible sur le commerce, les entreprises et les banques (-7,34%), les enjeux européens et internationaux (-7,43%) et sur les questions générales liées à l’administration publique et aux questions communautaires (-10,86%). Suite à la récente 6e réforme de l’État, cette perte d’attention politique s’explique en partie par la volonté de la N-VA de mettre (temporairement) les questions communautaires de côté.

Les partis qui forment le gouvernement Michel Ier ont, également, souvent mis l’accent sur le caractère socio-économique de celui-ci. Néanmoins, l’attention politique portée dans cette déclaration gouvernementale à tous les enjeux socio-économiques pris ensemble (économie, budget, entreprises, emploi, commerce extérieur, affaires sociales) est quasiment égale à celle de la précédente déclaration du gouvernement (42,86% pour Michel Ier contre 42,67% pour Di Rupo Ier). La politique scientifique n’est une priorité pour aucun des deux gouvernements.

Enfin, au niveau du degré de convergence entre les deux déclarations gouvernementales, il se situe à hauteur de 71,53% des attentions politiques. Autrement dit, les deux documents ont près de 30% d’attention politique qui varient d’une déclaration à l’autre. Non seulement cette variation révèle les différences en termes de priorités, mais elle met également à jour d’éventuelles différences idéologiques. Les attentions relativement plus élevées sur des enjeux de politique publique généralement associés aux partis politiques de centre-droit ou de droite, comme la justice, la sécurité, l’immigration ou la défense, confirment une orientation politique plus à droite que le précédent gouvernement. A contrario, les critiques entendues jusqu’ici et affublant le gouvernement Michel Ier du « gouvernement des patrons » ne trouvent pas leur confirmation dans nos données. Ce gouvernement met, en effet, sensiblement moins l’accent sur le commerce, les entreprises et les banques que son prédécesseur.


Di Rupo Ier (Déc.2011)
Michel Ier (Oct.2014)
Différence
Economie et politique fiscale
14,67%
16,19%
+1,52%
Droits et libertés
4,00%
5,24%
+1,24%
Santé
0,00%
3,81%
+3,81%
Agriculture, pêche, alimentation
1,33%
0,00%
-1,33%
Emploi
12,00%
15,24%
+3,24%
Environnement
1,33%
0,48%
-0,85%
Energie
4,00%
3,33%
-0,67%
Immigration
1,33%
2,86%
+1,53%
Mobilité
0,00%
3,81%
+3,81%
Justice, sécurité intérieur
1,33%
8,10%
+6,77%
Affaires sociales
5,33%
7,62%
+2,29%
Développement local et logement
0,00%
1,43%
+1,43%
Commerce, entreprises, banques
10,67%
3,33%
-7,34%
Défense
0,00%
1,43%
+1,43%
Politique scientifique et nouvelles technologies
0,00%
0,00%
0,00%
Commerce extérieur
0,00%
0,48%
+0,48%
Affaires européennes, étrangères et coopération au développement
16,00%
8,57%
-7,43%
Questions administratives et institutionnelles
28,00%
17,14%
-10,86%
Culture et sports
0,00%
0,95%
+0,95%

Convergence 2011-2014
71,53%



Note méthodologique

Cette analyse des programmes électoraux repose sur un logiciel d’analyse de textes, de discours et d’arguments, nommé Prospéro (Chateauraynaud, 2003 ; voir, par exemple, le carnet de recherche du GSPR, développeur de Prospéro, http://socioargu.hypotheses.org/ ainsi que le site dédié au logiciel Prospéro http://prosperologie.org/). La méthode consiste en la création de 21 répertoires thématiques reprenant l’ensemble des enjeux et politiques publiques identifiables au sein des programmes, sur base du travail préalablement effectué par Baumgartner et Jones (http://www.policyagendas.org/page/topic-codebook). Ces 21 répertoires sont constitués de 16.897 mots et expressions permettant d’identifier et de coder automatiquement les parties d’un texte liées à l’emploi, au logement, à la mobilité, à l’économie, à la politique étrangère, etc. Cet encodage automatique permet ainsi de mesurer les préférences et les priorités des partis politiques au sein de leur programme électoral. Pour une analyse en profondeur d’un enjeu politique et une explication détaillée de la manière de constituer les répertoires de mots et d’expression, voir Piet (2013).

lundi 21 juillet 2014

Accord du gouvernement wallon PS-CDH : plus socio-économique et moins vert


Grégory Piet
Politologue à l'Université de Liège
@grgpiet



Près de deux mois après le triple scrutin du 25 mai, le gouvernement wallon PS-CDH a trouvé un accord pour la prochaine législature 2014-2019. L’occasion nous est donc donnée de revenir sur les enjeux et attentions politiques de ce nouveau gouvernement et de les comparer avec le précédent accord porté par les partis PS-ECOLO-CDH.

Notre méthodologie reste la même que celle utilisée dans le cadre de l’analyse des enjeux politiques des partis dans leur programme électoraux (voire Note méthodologique). Il s’agit de relever les enjeux politiques se retrouvant au sein des accords de gouvernement, et ce, grâce à une grille d’analyse informatisée des problèmes publics et appuyé d'un programme informatique (Prospéro).

Le présent accord PS-CDH compte 115 pages, contre 263 pages pour le précédent PS-ECOLO-CDH. La longueur des textes mis en comparaison peut donc avoir une influence sur les enjeux proposés dans ces accords. 3648 occurrences ont ainsi été relevées dans l’accord PS-CDH contre 6742 dans l’accord PS-ECOLO-CDH.

Nous présenterons, dans un premier temps, le nouvel accord 2014-2019, ses enjeux, ses attentions. Nous le comparerons, dans un second temps, avec l’accord 2009-2014. L’absence d’un partenaire (Ecolo), la situation économique actuelle ont certainement eu une influence dans la définition des enjeux politiques actuels. Il conviendra donc de relever les différences et particularités entre ces deux accords.

Accord de gouvernement PS-CDH (2014-2019)
  
35% de l’accord PS-CDH se concentre sur le socio-économique qui se décompose comme suit : (1) 10,55% pour l’enjeu économique et la politique fiscale, (2) 10,09% pour l’enjeu entrepreneuriale, le commerce intérieur, etc., (3) 6,66% pour les affaires sociales et la famille, (4) 6,09% pour l’enjeu de l’emploi et (5) 1,48% pour le commerce extérieur de la Wallonie (voir Graphe 1).

Les questions administratives et institutionnelles représentent 27,30% de l’accord (voir Graphe 1). Il convient, dans un premier temps, de nuancer ces enjeux car il s’agit essentiellement d’une catégorie généraliste mettant en avant le « gouvernement », les « services publics », l’« administration », etc. Toutefois, nous pouvons, dans un second temps, mettre en exergue des sous-enjeux particuliers comme les questions liées à la réforme de l’Etat et des transferts de compétences qui comptent 0,52% des enjeux de l’accord PS-CDH, les questions relatives aux fonctionnaires et à la simplification administrative (1,40%), les relations intergouvernementales (8,20%) ou encore les services publics (3,59%). 

On note également que l’enjeu lié au développement local et à la politique du logement est clairement mis en avant dans ce nouvel accord (6,94%) et est présenté comme prioritaire pour les deux partenaires (voir Graphe 1). Il s’agit en effet du quatrième enjeu en termes d’importance après les questions administratives, l’économie et les entreprises.

Enfin, les politiques « écologiques » représentent 9,35% (voir Graphe 1) des enjeux du présent accord et se décomposent en :
 enjeux environnementaux (3,59%) ;
- enjeux énergétiques (2,96%) ;
- enjeux liés à l’agriculture, la pêche et l’alimentation (2,80%).

  
Graphe 1. Enjeux de l’accord de gouvernement PS-CDH 2014-2019
PS-CDH
Economie et politique fiscale
10,55%
Droits et libertés
3,10%
Santé
1,73%
Agriculture, pêche, alimentation
2,80%
Emploi
6,09%
Enseignement
2,60%
Environnement
3,59%
Energie
2,96%
Immigration
0,36%
Mobilité
4,28%
Justice, sécurité intérieur
1,01%
Affaires sociales
6,66%
Développement local et logement
6,94%
Commerce intérieur, entreprises, secteur bancaire
10,09%
Politique scientifique et nouvelles technologies
1,64%
Commerce extérieur
1,48%
Affaires européennes, étrangères et coopération au développement
5,02%
Questions administratives et institutionnelles
27,30%
Aménagement du territoire
0,66%
Culture et sports
1,15%



Comparaison des accords de gouvernement PS-ECOLO-CDH (2009-2014) et PS-CDH (2014-2019)


L’accord PS-CDH est davantage axé sur les enjeux socio-économiques que ne l’était l’accord PS-ECOLO-CDH avec +6% d’attention politique sur ces enjeux (voir Graphe 2). Les nouveaux partenaires PS-CDH mettent, en effet, beaucoup plus l'accent sur la politique fiscale que précédemment (+3%) ainsi que sur le soutien aux entreprises et au commerce intérieur (+2%).

Plusieurs changements et pertes d'attentions politiques sont également identifiés.

De manière générale, les politiques écologiques (ENV., ENERG., AGRI.) perdent ainsi 3,3% d'attention. Seul l’enjeu politique lié à l'agriculture et à l’alimentation voit son attention augmenter très légèrement (+0,3%) (voir Graphe 2).

L'enjeu environnemental perd, quant à lui, 3% d'attention politique dans le nouvel accord de gouvernement, passant de 6,7% à 3,6% (voir Graphe 2) et passant du 5e rang au 9e rang des priorités politiques.

L'enjeu lié à la mobilité perd également de l'attention politique (-2,6%) (voir Graphe 2), passant du 4e rang au 8e rang dans la hiérarchie des enjeux politiques des accords de gouvernement. Il s'agissait, par ailleurs, d'un enjeu moins important durant la campagne électoral du PS (3,49%), cela peut expliquer cette perte d'attention (voir billet sur le programme électoral du PS).

Enfin, la hiérarchie de plusieurs priorités politiques change dans le nouvel accord de gouvernement PS-CDH par rapport au précédent PS-ECOLO-CDH. Nous relevons ici les plus importantes (outre les questions environnementales déjà traitées).

Au niveau de la politique locale et du logement, l’attention politique passe du 6e rang au 4e rang. Il s’agissait d’enjeux de la campagne électorale clairement défendus au CDH (6,29%, voir programme électoral 2014) - un peu moins au PS (4,57%, voir programme électoral 2014) -, il est donc logique que ces derniers se retrouvent mis en évidence dans cet accord.

Au niveau des affaires sociales et de la famille, l’attention politique passe du 7e rang au 5e rang. Ces enjeux étaient clairement identifiés comme prioritaires tant au PS (8,45%) qu'au CDH (10,48%) durant la campagne électorale; cela se confirme également dans le présent accord.

Au niveau de l'emploi, l’attention politique passe du 8e rang dans l’accord PS-ECOLO-CDH au 6e rang dans l’accord PS-CDH.

Enfin, au niveau des questions européennes, étrangères et relatives à la coopération au développement, l’attention passe du 9e rang au 7e, avec un accent plus important sur l’interdépendance des enjeux européens et régionaux (2,14% pour les questions européennes dans l’accord PS-ECOLO-CDH contre 3,04% dans l’accord PS-CDH).


Graphe 2. Comparaison des accords de gouvernement 2009-2014 (PS-ECOLO-CDH) et 2014-2019 (PS-CDH)
PS-ECOLO-CDH
PS-CDH
Economie et politique fiscale
7,41%
10,55%
Droits et libertés
3,63%
3,10%
Santé
1,84%
1,73%
Agriculture, pêche, alimentation
2,52%
2,80%
Emploi
5,74%
6,09%
Enseignement
3,59%
2,60%
Environnement
6,73%
3,59%
Energie
3,51%
2,96%
Immigration
0,46%
0,36%
Mobilité
6,87%
4,28%
Justice, sécurité intérieur
0,77%
1,01%
Affaires sociales
6,20%
6,66%
Développement local et logement
6,70%
6,94%
Commerce intérieur, entreprises, secteur bancaire
8,20%
10,09%
Politique scientifique et nouvelles technologies
1,91%
1,64%
Commerce extérieur
1,08%
1,48%
Affaires européennes, étrangères et coopération au développement
4,76%
5,02%
Questions administratives et institutionnelles
26,54%
27,30%
Aménagement du territoire
0,55%
0,66%
Culture et sports
0,95%
1,15%


Conclusion

De manière générale, le nouvel accord de gouvernement est donc plus axé sur les questions socio-économiques que ne l’était l’accord de gouvernement de 2009. Le contexte socio-économique, le chômage des jeunes, la réforme de l’Etat et la politique budgétaire ont eu une influence sur ce changement d’orientation politique.

De même, l’absence du partenaire écologiste a réduit les enjeux environnementaux et énergétiques de cet accord. Il s’agira pour les nouveaux partenaires de défendre cette orientation moins verte face à une opposition qui y sera certainement très attentive. De plus, les enjeux environnementaux seront au rendez-vous ces prochaines années au niveau européen (les objectifs européens 3 fois 20 d’ici 2020) et international (conférence de Paris sur le réchauffement climatique en 2015). Le gouvernement aura donc fort à faire sur ces enjeux, et ce, même s’ils paraissent moins prioritaires que précédemment.



Note méthodologique

Cette analyse des programmes électoraux repose sur un logiciel d’analyse de textes, de discours et d’arguments, nommé Prospéro (Chateauraynaud, 2003 ; voir, par exemple, le carnet de recherche du GSPR, développeur de Prospérohttp://socioargu.hypotheses.org/ ainsi que le site dédié au logiciel Prospéro http://prosperologie.org/). La méthode consiste en la création de 21 répertoires thématiques reprenant l’ensemble des enjeux et politiques publiques identifiables au sein des programmes, sur base du travail préalablement effectué par Baumgartner et Jones (http://www.policyagendas.org/page/topic-codebook). Ces 21 répertoires sont constitués de 16.582 mots et expressions permettant d’identifier et de coder automatiquement les parties d’un texte liées à l’emploi, au logement, à la mobilité, à l’économie, à la politique étrangère, etc. Cet encodage automatique permet ainsi de mesurer les préférences et les priorités des partis politiques au sein de leur programme électoral. Pour une analyse en profondeur d’un enjeu politique et une explication détaillée de la manière de constituer les répertoires de mots et d’expression, voir Piet (2013).